Casino de Sion : un spécialiste de la pierre s’exprime

Le Collectif de défense du patrimoine balnéaire de Sion a rencontré Wilfrid Pontoreau, celui-ci restaure et anime le patrimoine bâti ancien en pierre depuis 26 ans. http://artsmursdevendee.com/
Tous ses projets s’inscrivent dans une démarche de développement économique. Il forme et conseille toutes les personnes, organismes, collectivités et associations qui souhaitent valoriser à des fins touristiques, culturelles, sociales et économiques leurs patrimoines bâtis, en intégrant les dimensions architecturales, esthétiques, ethnologiques et historiques.
Nous avons évoqué la destruction de l’ancien casino de Sion avec W.Pontoreau, voici ce qu’il nous a répondu :
Pourquoi, selon vous, le Casino doit-il être conservé et valorisé ?
Et bien il procède de la même démarche globale de valorisation des côtes vendéennes, engagée un peu partout sur le littoral. Il suffit, pour s’en convaincre, d’aller voir d’anciennes cartes postales, très largement suffisantes, car évocatrices d’un certain « art de vivre à la Française » typique de cette période de l’histoire de France, que l’on appelle à juste titre « la Belle époque ».
De plus, il est très représentatif d’une architecture typique de l’époque qui possède des débords de toitures et de terrasses en lambrequins. Ce travail, très esthétique, offre une palette de dentelles de boiseries vraiment exceptionnelles et très jolies, dans ce secteur côtier vendéen. Les modes éphémères ne remplaceront jamais le charme intemporel des Cyclades dans la mer Egée ou l’exquise beauté du port de la Meule à l’Île d’YEU. La beauté ne se négocie pas, et nous avons besoin de nourriture esthétique.
Que pensez-vous de la qualité architecturale du casino de Sion ?
D’abord, le casino est un marqueur, LE MARQUEUR identitaire de la station de Sion, qui sans lui, n’aurait jamais existée.
Puis, il faut bien reconnaître que son charme est lié, justement, à l’utilisation de matériaux locaux compatibles avec l’air marin: pierre locale, sables de dunes pris côté marais, peut-être aussi « marnes et argiles» du marais, mélangés aux sables, briques artisanales fabriquées localement, bois de charpente issu de forêts gérés à l’époque « durablement ».
Nous devons rappeler ici que la Vendée possédait au XIXè siècle environ 122 briquèteries et tuileries, ce qui en fait très certainement l’un des départements français le plus riche dans le domaine du travail de l’argile, de la fabrication de briques et de tuiles !
Rien que pour ça, le casino doit être conservé !
Enfin, les murs porteurs faisaient appels à une parfaite maîtrise du montage des moellons de pierre, technique nommée « limousinerie ». Bien construit, et hourdée au mortier de chaux, une telle structure comme le Casino de Sion ne peut pas s’écrouler.
Nous avions aussi des fours à chaux sur tout le département, et une chaux bien utilisée donne d’excellents résultats. Nous le voyons même lorsque des monuments ont été détruits lors des guerres : les vieux châteaux et leurs pans de murs sont toujours debout, après des siècles d’abandon (ex des châteaux de Commequiers, sur lequel j’ai travaillé).
Un mur bien structuré et hourdé au mortier de chaux est quasiment indestructible. La carbonatation de la chaux crée un bloc homogène unique. Mais aussi, le sable roulé riche en silice et en minéraux, mélangés avec de la chaux et de l’eau fusionne très bien chimiquement. Nous avons des mortiers de chaux qui tiennent sans problème pendant des siècles, voire des milliers d’années. Les exemples des maçonneries romaines et égyptiennes le prouvent. Même les pyramides d’Egypte possèdent encore des parties de leurs revêtements en pierre reconstituée à base de chaux, appelée « polymère ».
Alors, quid de la salinité soit disant exprimée dans un rapport technique ?
Et bien, cette salinité, même si elle peut peut-être fragiliser certains secteurs de maçonnerie (mais lesquels ?), ne peut en AUCUN CAS fragiliser l’édifice. Car même si certains murs pourraient avoir « travaillés », la structuration interne des murs, montés en limousinerie, ne peut pas se faire écrouler ce bâtiment, c’est impossible.
De plus, c’est l’ajout d’enduits ciments, à l’extérieur et probablement à l’intérieur, qui donne cet aspect craquelé et auréolé de taches de salpêtre. Il suffit de piquer les croûtes de ciment pour voir le bâtiment se remettre à respirer et sécher, tout simplement.
Enfin, un bâtiment non chauffé l’hiver, accumule aussi de l’humidité à l’intérieur et donc des moisissures et salpêtres. Mais, pourrait-on oser dire : « qui veut tuer son chien lui trouve la rage » ?
Pour conclure, je dirais tout simplement : ne toucher pas à nos mémoires, mémoires familiales, romantiques, esthétiques, ne toucher pas à nos souvenirs de vacances, à nos bonheurs passés et aux bonheurs futurs des vacanciers, des amoureux de passage, des randonneurs, des pêcheurs à pieds pour qui le casino est un lieu de rendez-vous, etc. Sans casino, Sion serait une ville morte, perdue dans une côte plus du tout sauvage, une côte californienne de béton, et plus du tout une côte rocheuse majestueuse, faite de plages et de sites qui attirent des centaines de milliers de visiteurs chaque année.
Que serait cette place ? Vide de son casino ? Une aire de jeux pour les skates et autres « rollers » ? Un trou, un vide où on pourrait faire la « teuf » tard dans la nuit ? Puis, nous pourrions aussi raser toutes les villas balnéaires, construire du béton toujours du béton moche et froid, inaccessible dans sa beauté éventuelle ?
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